Hundun

 

Adaptation libre de Texte de la toile "Hundun" de l'artiste peintre Dominique Meunier.

 

 

Hundun

 

Planté là, au milieu de nulle-part, c’est seulement maintenant que j’accepte ce qui est devenu que trop brutalement une évidence. Ce Monde me fragmente, me fracasse malgré moi et cela ne date pas de la dernière pluie. Depuis ma naissance, sans en avoir la moindre conscience, je me suis confronté à toutes ces turbulences, à ces tempêtes pour forger ce que certains nomment, peut-être à tord, le caractère. Tour à tour, naïf, dupe, avide ou encore complaisant, j’ai tout accepté avant de tout perdre. Dans ce chaos constant, ce n’est pas mon caractère qui a triomphé mais ce que j’ai le plus longtemps délaissé, mon âme. Dès le premier jour de notre existence, les éléments, la matière et l’invisible se jouent en parfaite symbiose ou en totale cacophonie de toutes nos envies et de nos certitudes. Nos voeux les plus chers, sans que nous en ayons la moindre idée, sont confrontés au divin et tout ce qui le rend imperceptible. Nous devons avancer et grandir pour finalement accepter notre insignifiance. L’instant vérité se meurt perpétuellement pour laisser sa place à un autre. Le plus grand des cris devient sourd dans ce fracas universel et constant. Tous les cris, tous nos cris sont vains. Il faut accepter le silence et les temps morts pour comprendre que notre théâtre de vie et son décor ont été plantés bien avant nous et que les desseins célestes aussi. Ils ne sont peut-être là que pour nous balader dans les ombres, elles aussi manipulées par une lumière dont la présence provoque tout de la vie et de la mort. Le noir total n’existe pas. Il n’y a qu’à lever les yeux vers le ciel pour comprendre à quel point tout est lumière. Pourtant, notre part d’ombre ne doit pas être mise au second plan parce que c’est elle qui nous fait prendre conscience de la lumière et de l’énergie que chacun de nous dépense à vouloir briller. Notre corps, outil fragile de toute cette manigance en sort meurtri tout comme notre coeur, quant à lui déchiré par les morsures successives de notre esprit. La partition proposée par les dieux compose les notes consonantes ou dissonantes qui seront sources  de toutes les fractures entre notre corps et notre esprit. L’abandon, le lâcher-prise s’offrent à moi comme l’ultime leçon. Il ne me reste qu’à plonger dans l’oubli. Une seule certitude, un seul sentiment m’accompagnent encore. J’ai fait partie de ce Monde et tout ce qui me reste de ce furtif passage m’a fait prendre pleine conscience de mon âme. Si celle-ci, une fois affranchie de mon corps, peut, plus riche, continuer sa route, je n’aurais pas tout raté.

 

Stéphane Théri